L’été qui suivit le Bris du Silence fut riche en événements pour la Caravane. Certains de ses membres plus influents avaient été approchés par sa Grâce-Majesté Constance Évangéline ven Vaugrenard, duchesse de Cérule, pour mettre fin aux opérations de l’Inquisiteur Valence Delacroix. Puisque ce but s’alignait bien avec les aspirations de plusieurs des groupes composant la Caravane, ils entreprirent de reprendre contact avec les forces éparses de la Sibylle, que l’Inquisiteur avait juré devoir capturer. Ils étaient conscients qu’ils ne pourraient jamais prendre les forces de Valence dans un assaut direct, alors ils établirent avec les mages un fin subterfuge : équipés de cristaux d’aurore fournis par la Sibylle, ses arcanistes se verraient capables d’accéder à une véritable batterie d’essence magique. En dirigeant leurs fureur vers le Roc-aux-Sorcières, ils pourraient distraire la majorité des forces de l’Inquisiteur, permettant aux aventuriers d’infiltrer la forteresse pour y affronter Delacroix.
C’est dans la brume d’automne que les assauts arcanes retentirent.
Leur approche couverte par les incantations des alliés de la Sibylle, l’escouade d’aventuriers parvint à s’enfoncer dans le Roc. Malgré la puissance décuplée des mages, ils devaient faire vite : des Chevaliers spécialisés dans l’étouffement de la magie, les Bastions, faisaient partie des troupes de l’Inquisiteur. Il suffisait que quelques Chevaliers mènent l’un de ces annihilateurs de magie au sein d’un groupe de mages pour que leurs incantations ne donnent rien. Ceci ne se faisait toutefois pas sans pertes : les arcanistes, brûlés de toutes parts par l’énergie jaillissant de leurs pores après avoir consommé les cristaux, faisaient déferler sur eux une rage née de décennies d’oppression.
Le Roc-aux-Sorcières, malgré le chaos, était une place forte bien gardée. Les Chevaliers finirent par se rendre compte de la présence des intrus et sonnèrent l’alerte. Le fort de leurs hommes occupés en-dehors des murs, ratisser la forteresse pour trouver les aventuriers se faisait difficilement, ainsi l’escouade échappa-t-elle de justesse à leur chasse. Ils trouvèrent enfin l’Inquisiteur Valence Delacroix avec quelques-uns de ses hommes dans les quartiers desquels il dirigeait les opérations de son Inquisition. Entouré de Bastions et de Chevaliers, l’Inquisiteur se permit de questionner les motifs du groupe venu l’assassiner. Il ne se posait pas de questions quant à ceux qu’ils savaient être des sorcières, mais ceux qu’il avait vu marcher le chemin de la vertu, ceux-là furent emplis de doute.
La tension finit par céder, et une bataille sanglante eut lieu. Les Bastions, empêchant la magie d’atteindre Valence, restaient près de lui, lui servant d’égide, de rempart. Ses Chevaliers, acculés au mur, laissèrent tomber l’honneur. Tout moyen était bon pour vaincre les aventuriers. L’Inquisiteur se jeta dans la mêlée côte-à-côte à ses limiers, montrant à nouveau le redoutable Chevalier si vite oublié derrière la façade avenante du meneur d’hommes. La défaite de ses assassins semblait inévitable, jusqu’à ce qu’ils abattent les Bastions. Dès lors, ils commencèrent à faire pencher la balance en leur faveur. Certains n’hésitèrent pas à se servir des mêmes cristaux qui tuaient à petit feu les mages de la Sibylle. La flamme divine qui illuminait la lame de Delacroix finit par vaciller, alors que ses hommes tombaient un par un. Il n’était après tout qu’un simple homme. Il avait beau redoubler de fureur, de zèle, lorsqu’il fut enfin seul, il ne pouvait pas parer tous les coups, il ne pouvait pas esquiver tous les sortilèges.
L’Inquisiteur Valence Delacroix mourut seul, entouré d’ennemis.
Le zèle de Valence enfin délogé de l’Ordre de la Providence laisse place à la foi plus tempérée de l’Inquisitrice Brynhild. C’est avec des Chevaliers qui savent discerner le Malin plutôt que le trouver partout qu’elle réforme l’Ordre, qu’elle le rapproche de ses racines auprès de l’Église de Dieu. Fini les chasses aux sorcières et les bûchers de masse : ceux qui veulent se dire Chevaliers devront désormais protéger les innocents des impies et des monstres.
Ils ne cherchèrent pas à retourner au Roc. C’était, selon l’Inquisitrice, un monument aux procès injustes de ceux qui voient le Mal partout où ils le cherchent.