Épouvante des Cieux
Par Shalaevar Xilvyn
Les Anges
Ce que j’ai à dire sur ces êtres ne satisfait pas du tout ma curiosité, mais il s’est avéré impossible d’en approcher quel que ce soit pour obtenir les détails. Par Ishta’ra, même mes croquis restent brouillons, malpropres. Je n’ai pas pu m’approcher assez pour mieux les voir.
Je les ai vus, tous scintillants, dorés comme des statues grandioses, émergeant d’un tunnel lumineux, exemple même de grâce et de dignité. Et pourtant… à leur arrivée, un poids s’est installé au creux de mon ventre. Une terreur viscérale qui, étrangement, s’est immédiatement résorbée.
Assise dans les fossés, mon carnet en main, j’ai perdu toute notion du ressenti. Les branches pointues ne me causaient plus d’inconfort, les insectes voltigeant autour ne m’importunaient plus. J’observais ces créatures pures découvrant leur environnement et je ne ressentais rien : pas d’émerveillement, pas d’inquiétude, pas de révérence.
Je me suis trouvée incapable de m’en écarter, incapable de m’en approcher, condamnée à demeurer dissimulée dans la végétation sans désir de bouger. Je ne suis pas sûre combien de temps ils sont restés. J’ai compté au moins deux nuits. Je n’ai jamais ressenti la faim en leur présence, mais j’ai remarqué un détail : au fur et à mesure de leur séjour sur le plan des mortels, leur peau dorée s’oxydait comme des reliques anciennes, marbrant leur visage de taches sarcelle, abîmant leur apparence parfaite. J’ai observé l’un d’eux, clairement blessé, portant des taches noirâtre inquiétantes sur sa tunique. Sur lui, l’oxydation semblait plus répandue, plus violente. J’en déduis donc, sans autre preuve tangible, que les blessures qu’ils subissent - ainsi que le temps qu’ils passent ici bas - sont la cause de ce changement chez eux.
Les Anges que j’ai rencontrés me semblaient être de rang inférieur. Ils n’avaient pas d’ailes, comme on les dépeint dans les histoires et légendes, mais portaient un auréole doré couronnant leur tête. Jamais je ne les ai entendus s'adresser l’un à l’autre, aucun mot, aucun son n’a jamais franchi leurs lèvres. Peut-être sont-ils connectés tous ensemble à un même esprit? Je n’ose poser de conjecture à ce sujet, trop délicat, trop peu d’information. L’Ange blessé ne guérissait pas. Je les ai vus, à l’aube de leur départ, le troisième jour, simplement le tuer en lui tranchant la gorge d’un coup franc.
Ce n’est qu’une fois qu’ils sont partis que j’ai pu constater à quel point mes muscles me faisaient souffrir, à quel point la faim me tenaillait les entrailles, à quel point la fatigue m’assaillait. J’ai été à nouveau prise d’épouvante et ai titubé le plus loin que j’ai pu avant de m’effondrer pour prendre du repos et une collation pour réussir à reprendre la route.
En toute honnêteté, si je ne recroise jamais un Ange à nouveau dans toute mon existence, je n’en serai pas plus malheureuse…