Le Don
par Velrrik de la Morrigan
Certains me connaissent peut-être déjà, peut-être que certains qui liront ceci me détestent même. Tout le monde n’est peut-être pas prêt à lire ce que j’écris et à accepter mon message, mais j’ai espoir que ce jour viendra…
Je suis Velrrik, des Filles de la Morrigan. Je suis né avec ce que mes soeurs appellent “le Don”, et ce que mes détracteurs appellent “Hérésie”. Ce cadeau qui m’a été donné à ma naissance, ou peut-être même bien avant, est le don de la magie noire. Le monde dans lequel nous vivons aura tôt fait d’appeler ce don un cadeau empoisonné, car certains voudraient voir ceux qui le possèdent brûler sur un bûcher. Mes soeurs sorcières ainsi que moi-même partout sur les terres sommes mises à mort pour être nées sous un mauvaise étoile, pour posséder un cadeau que nous n’avons jamais demandé.
Mes aînées me racontent qu’autrefois, le Don était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. Par le passé, le cadeau des sorcières leur permettait d’être à l’affût des voix de la nature, des éléments, des esprits qui nous entourent, un peu à la manière des chamans, des nécromanciens et des arcanistes que nous connaissons aujourd’hui. Dans ces histoires, on parle de sorcières vivant au sein de communautés, servant de guérisseuses dans les villages, d’érudites ou encore d’augures. Les sorcières vivaient en harmonie avec leurs semblables, on venait les voir pour des conseils, elles étaient de véritables érudites en toute sortes de matières, et des piliers de leurs communautés.
Tout a changé lorsque l’Église de Dieu fût fondée. Loin de ce qu’elle est aujourd’hui, la première Église, me raconte-t-on, était vicieuse et acharnée dans sa chasse aux sorcières. Les premiers prêtres répandaient des messages de haine et accusaient les sorcières d’hérésie. Les érudites et les guérisseuses furent chassées de leurs villages, et celles qui refusèrent furent brûlées au bûcher. Les histoires de mes soeurs ne sauraient décrire cet événement, mais c’est face à cette menace que la nature même du Don aurait changée. Lors d’une nuit sans lune, il est dit que toutes les sorcières du monde auraient entendu l’appel d’une nouvelle sorte de voix, plus forte et plus puissante que toutes les autres. Des voix sombres, venues d’un tout autre monde, qui offraient aux sorcières vengeance et la force de se protéger de leurs chasseurs. C’est durant cette nuit que les sorcières devinrent les monstres que l’Église les accusaient d’être, ou du moins c’est ce que l’on me raconte. Du jour au lendemain, pour avoir commis le crime de se défendre de la persécution de l’Église, les sorcières furent déclarées comme des hérétiques, leur vraie nature maintenant dévoilée au monde entier. Les hommes de foi furent rapide à les dénoncer. “Voyez comme elles se sont servies de vous.” “Sous les vêtements de la brebis se cachait depuis tout ce temps un loup.” Les sorcières, qui autrefois étaient bonnes aux yeux des gens, étaient maintenant des manipulatrices, des menteuses hypocrites.
Nous nous faisons rares. Aucun érudit ou homme de science ne saurait le dire précisément, mais selon ce que mes soeurs racontent, à peine une ou deux pauvres âmes ne naîtraient avec le don en un millier de naissances. Tel un véritable cadeau, le Don peut également être donné de parent à enfant. Toujours rare, il reste que sur une centaine naissances avec une sorcière comme parent, un seul enfant hérite du don ; un enfant sur dix, si les deux parents sont porteurs. Face à la persécution, le seul refuge d’une sorcière est avec ses semblables, mais puisque nous sommes si peu nombreuses, la majorité des sorcières doit se faire discrète, et cacher leur don aux autres. Soit par dessein, ou alors par simple chance, les sorcières finissent inévitablement par se rejoindre. Certaines forment des couvents, et développent leurs propres pratiques, et d’autres se contentent simplement de la présence des autres. Ce lien est pourquoi les Filles de la Morrigan se considèrent toutes soeurs.
Je ne peux pas affirmer avec certitude que les récits de mes soeurs soient véridiques. Je ne peux pas, en toute honnêteté, déclarer que le Don a effectivement été corrompu par la persécution de l’Église. Je ne peux pas non plus affirmer que les sorcières aient autrefois été bonnes et bienveillante comme les récits le racontent. Ce que je sais, cependant, c’est que les sorcières ne sont pas toutes mauvaises de nature. Le Don qu’elles n’ont jamais demandé n’est rien de plus qu’un outil, que le monde aura vite fait de façonner en poignard. Le cycle de la haine dure depuis trop longtemps, et ses origines son troubles ; la persécution engendre la vengeance, ou est-ce que la vengeance engendre persécution? Si il n’y a qu’une seule chose que je souhaite, si ce n’est pas pour moi et mes soeurs alors à nos enfants et aux futures sorcières, c’est de briser ce cycle, pour que le monde puisse enfin retourner à une certaine harmonie… Malheureusement, ceux qui devraient écouter mon message brûleront certainement mes écrits et n’en tireront rien.