Lettre pour mes parents
par Sir Léoric Vif-Argent
Cher père, chère mère
J’espère que cette lettre vous trouve en bonne santé. Il y a maintenant plusieurs lunes qui se sont écoulées depuis mon départ de Roc-aux-Sorcières. La tâche est plutôt simple, l’Inquisiteur Delacroix a demandé à notre compagnie d’investiguer des rumeurs de sorcellerie à Mornelande, un petit village des Plaines situé à quelques heures au sud de Tournetombe. Je dois avouer que l’idée au départ me titillait. Ma toute première mission de terrain, le fruit de mes années d’entraînement allait enfin me servir. La route et le climat ont été cléments et nous somme arrivés à Mornelande presque une demie-journée plus tôt que prévu.
À notre arrivée, nous avons fait le tour du village, tranquillement, discrètement. Nous nous sommes présentés aux habitants et avons établi un périmètre autour du village, annonçant le Décret Providentiel issu par l’Inquisiteur Delacroix. Après la première journée, nous avions établi notre présence et étions prêts à commencer notre investigation. Les habitants semblaient plutôt nerveux, certains sur la place publique se plaignaient du confinement qui leur était imposé. Mon supérieur, Sir Reginald Lance-d’Or, leur expliqua que plus les villageois coopéreront, plus vite nous partirons. Après tout, s’il n’avaient rien à cacher, ils n’auraient pas à s'inquiéter. La journée se termina et nous sommes allés nous coucher dans nos tentes à l’extérieur du village.
Dès la deuxième journée, nous avons commencé les interrogations. Nous savons commencé par rassembler tout le monde sur la place publique, suite à quoi nous avons dressé une liste de présence. La liste fut organisée et nous avons alors commencé les séances individuelles. Sir Reginald, installé à un podium sur la place publique, appelait deux par deux les noms sur la liste, les dirigeant vers la maison du charlemagne derrière lui, dans laquelle deux équipes de chevaliers-interrogateurs étaient installés. J’étais posté comme garde pour maintenir l’ordre sur la place publique et pour assurer que personne ne tenterais de déjouer le protocol. Les personnes nommées entraient d’un côté de la maison et ressortait de l’autre, portant un sceau providentiel au cou à leur sortie. À la fin de la journée, nous avions réussi à questionner environ un tier du village. Les personnes interrogées ont reçu comme directive de garder le sceau jusqu’à ce qu’ils soient demandés de le retirer. Nous retournèrent encore à nos tentes cette soirée-là.
Au troisième jour, nous avons continué les entrevues. Juste avant de commencer, nous prirent les présences des personnes interrogées la veille. Le compte était bon et personne ne manquait à l’appel, et personne n’avait retiré leur ruban. Toujours à mon poste, je remarque que la place publique semble plus vide et froide qu’hier. La plupart des adultes ont passé le test hier et donc ne reste plus que les enfants et les vieillards. Vers le milieu de l’après-midi, nous avons terminé de questionner tous les enfants du village. Il ne restait que les aînés, que nous allions questionner le lendemain.
Les opérations roulaient rondement. Toujours posté en tant que garde, je surveillais la place publique, maintenant presque vide, pour la dernière journée. Le carillon de midi venait à peine de sonner lorsque les derniers paysans finirent d’être questionnés. Moi et quelques autres de mes confrères avons alors été assignés pour récupérer les sceaux distribués, et les compter. Encore une fois, le compte était bon, indiquant que personne n’avait fui la ville depuis notre arrivé. Nous rendîmes la maison du charlemagne et fûmes convoqués par Sir Reginald pour le compte-rendu et la marche à suivre pour le reste de nos opérations à Mornelande.
Nous nous sommes réunis devant la tente de commande, où Sir Reginald commença le compte-rendu. Nous commençâmes par une prière au Seigneur, tel que coutume, et Sir Lance-d’Or commença. Il nous remercia de notre service, d’avoir assuré le bon déroulement des opérations et comment nous serions en route pour le prochain village dès demain. Il avait déjà terminé de lire les rapport d’entrevues des villageois et déclara, d’une voix ferme et certaine, que tous les villageois étaient blanchis de toute suspicion de sorcellerie, contrairement au rumeurs qui nous avaient amenées ici.
Tous et chacun des villageois était pur et honnête.
Ce qui, selon Sir Reginald, signifiait que ces pauvres âmes étaient donc complices, contre leur volonté, à un couvent de sorcière qui devait se terrer non loin du village.
Il expliqua ensuite que nous ne pouvions pas laisser l’influence de sorcières corrompre les bonnes gens des terres et que tout ce qu’il restait à faire était de les libérer de leur supplice. Par son décret, aucune âme vivante ne devait rester dans le village suite à notre départ. Il déclara que l’opération commencera demain matin à l’aube. Nous devions tous les abattre; le bois de leur maisons servirait pour le bûcher. Il nous ordonna d’aller nous coucher pour être aptes à la tâche demain avant de partir.
Je dois vous l’admettre, mère, père. Demain, avant l’aube, je serai parti. Demain, avant l’aube, je déroberai un cheval et retournerai à Roc-au-Sorcières et demanderai audience avec l’Inquisitrice Coeur-de-feu. Depuis mon arrivée au sein de la Providence, je croyais accomplir le dessein du Seigneur. Je croyais remplir une tâche divine, protéger les valeurs et les vies juste que nous menions. À entendre l’ordre donné par Sir Reginald, j’ai maintenant peine à croire que nous avons prêté le même serment. Je demanderai devant l’Inquisitrice, si c’est à quoi se résume le mandat de l’Ordre de la Providence que de tuer des innocents, qui n’ont que commis le crime de n’avoir rien à se reprocher.
Je prépare mes choses ce soir. Personne ne semble se douter de quoi que ce soit, mais personne ne semble remettre en question les ordres du Chasseur Lance-d’Or. Je ne crois pas dormir cette nuit, car j’ai trop peur de manquer mon opportunité et être forcé à participer au massacre. Si on m’attrape en plein fait, je serais sûrement brûler au bûcher pour hérésie ou pour trahison.
Je vous aimes.
Que Dieu soit avec vous.
Votre fils, Léoric.