Le Verdict des Ombres
C’est de la confiance que naît la trahison. La main tendue de Sainte-Élie vers l’Église de Dieu, dans son désir de partager les connaissances de la Nuit, fut celle-là même par laquelle on la traîna au bûcher. Parmi ceux qui suivirent ses enseignements et bâtirent la Cathédrale, il y eut éventuellement un schisme. Les clercs qu’elle avait formés à utiliser les ombres pour soulager les maux proclamaient qu’être de bonnes gens, de vivre une vie de guérisseurs et de protecteurs, de tendre l’autre joue, seraient les meilleurs moyens d’honorer la mémoire de leur Martyre et de rendre gloire à la Mère de la Nuit.
Quelques-uns d’entre eux, toutefois, revendiquèrent rétribution. La tête du Saint-Père Escelcius Ier pour celle de Sainte-Élie-des-Ombres. Dans leur audace, ils s’armèrent et attaquèrent des églises vouées à la vénération de Dieu, et cette injure les vit exilés de la Cathédrale ainsi que de la cité qui s’établit autour.
Plutôt qu’une malédiction, la secte y découvrit une bénédiction : ils allaient œuvrer dans le couvert des ombres, le domaine de la divinité. C’est dans les ténèbres qu’ils proclamèrent le Verdict des Ombres : Dieu doit mourir.
Une guerre sans déclaration
Le Verdict des Ombres est une secte violente dont l’existence est soit niée soit ignorée par sa religion-mère. Si les préceptes de Notre-Dame-des-Ombres prônent l’ouverture, l’hospitalité, la générosité et l’humilité, le Verdict quant à lui est un culte fermé, fielleux, égoïste et vengeur. Tout membre de la secte voue une admiration éternelle à la Martyre, en faisant toutefois abnégation du pardon qu’elle aurait offert à ses meurtriers. Ils sont des régicides, et l’absolution de ce péché est impossible aux yeux du Verdict, qui abat le jugement du talion à profusion sur les disciples de Dieu.
Leur croisade devint pendant un temps la source de nombreux conflits armés en Aslande, une guerre sans fin aux escarmouches imprévisibles.
Telle est la volonté de la Reine des Ombres, l’épithète que le Verdict offrit à leur prophétesse décédée. Ses agents en ce monde doivent devenir un murmure dans la nuit. Ils doivent amener l’éclipse du règne de Dieu. Sans accès au Tenebricon, le Verdict des Ombres célèbre ses messes occultes dans le sang des parjures.
Le Trône de la Nuit
L’espace entre les astres dans la voûte étoilée est le royaume des morts, et tout royaume a un Trône sur lequel asseoir son régent. C’est de ce siège enténébré que la Martyre guide ses fidèles de l’au-delà. Régnant sur les défunts, elle accueille les âmes perdues dans l’obscurité. Les adeptes du Verdict n’ont donc rien à craindre de la mort, puisque c’est là que patiente leur maîtresse.
La Martyre, Reine des Ombres
Les mortels ont mis fin aux jours de la seule apôtre du divin s’étant présentée depuis des siècles. Par conséquent, pour le Verdict, leurs institutions et leurs monarques sont puérils dans leur impermanence. La seule royauté est donc celle de leur Martyre, la Reine des Ombres, et sa volonté est loi. Les adeptes du Verdict des Ombres ne reconnaissent donc aucune autorité mortelle. Ils sont maîtres d’eux-mêmes, et personne ne peut oser brimer leur liberté.
Puisqu’elle règne dans la mort, la Reine des Ombres est patronne des magies obscures mais aussi des arts assassins que ses adeptes pratiquent. Offrir le repos éternel à un autre être est un fardeau divin pour tout adepte, qui offre le retour auprès de la Martyre à sa victime.
Puisqu’elle est Reine, la Martyre ne tolère pas l’existence des fausses idoles. Quiconque prétend à la sainteté ou la divinité est un affront à la gloire du Trône de la Nuit. Pire encore ceux qui tentent de suivre le chemin de la Martyre même, unique dans son ascension, auxquels un sort terrible est réservé. Malgré cela, les adeptes conservent une croyance assez ésotérique : toute royauté doit éventuellement produire un héritier. Du seuil de la mort s'élèvera donc un Prince ou une Princesse des Ombres, la voix de la Reine dans le monde des vivants, et son arrivée ramènera la Cathédrale sur le droit chemin, le début de la fin pour la vénération de Dieu.
Prière
Dans la nuit sans fin de notre deuil, j’observe ton Règne immortel, Ô Martyre, Reine des Ombres, dévoile-toi de ton linceul et ordonne les âmes de… [nom du sort]
Une mission errante
L’exil de la Cathédrale a forcé le Verdict des Ombres à s’étendre aux quatre vents, sans jamais s’établir de véritable forteresse ou lieu de culte. De toute façon, les rituels de la secte se conduisent partout où la lumière ne se rend pas, et la mission divine d’élimination de l’Église amène les adeptes à voyager de part et d’autre du continent. Leur présence est plus rare dans les terres du Nord ainsi que dans le Nouveau Monde. Ils n’y sont toutefois pas inexistants : après tout, toute autre déification que celle de la Reine est hérésie, et cette malice doit être observée, cataloguée et éventuellement purgée.
Les cendres de la Reine
Il y a maintenant quatre siècles, le Saint-Père Escelcius Ier ordonna l’exécution de Sainte-Élie-des-Ombres par les flammes. Ses cendres furent éparpillées, et aucun vestige de son enveloppe charnelle ne subsista. Le Verdict des Ombres croit cependant que dans chaque victime de l’ardeur des bûchers on peut retrouver un peu de l’essence de la Martyre, si ce n’est que dans une douleur partagée.
Les spiritistes associés à la secte accordent une grande importance au discours des morts, d’autant plus à ceux qui sont décédés sur les bûchers dressés pour Dieu. Ainsi, la communication avec les âmes des défunts est un rite important chez le Verdict, qui appelle ces gardiens de l’au-delà des Cerbères. Ils consultent les cendres et les humectent de sang. Le fluide vital, en coulant de part et d’autre, crée des symboles que les Cerbères interprètent pour établir la volonté des Ombres.
Le Voile de la Martyre
Sans forme, ses restes épars, la Reine des Ombres se manifeste sur le Trône de la Nuit comme une silhouette couverte d’un linceul, symbole des rites funéraires qui ne lui ont jamais été accordés. Ce voile est, avec le temps, devenu le symbole même du Verdict des Ombres et de ses idéaux. Une dépouille voilée d’un linceul est au repos, en paix avec le monde. La rétribution que demande le Verdict n’est qu’un pas final pour accorder le repos éternel à leur Martyre. Ainsi se voilent-ils pour approcher leurs ennemis, ne montrant leur véritable nature qu’au moment de leur arracher un dernier souffle.
Le symbole, bien que rarement représenté, est codifié ainsi : un voile symétrique illuminé de derrière, révélant les contours d’un visage sans traits.
Titres
Inculte
Autrefois appliqué à toute personne en-dehors de la secte, ce titre est devenu un sobriquet pour les bonnes gens de Notre-Dame, qui sont si près de la vérité et pourtant aveugles.
Adepte
Le pied d’égalité sur lequel le Verdict fonctionne. Tout membre est un adepte, même les Cerbères. Tout adepte a les mêmes responsabilités : ramener la gloire du Trône de la Nuit.
Cerbère
Les gardiens de l’au-delà, un titre accordé aux adeptes capables de pratiquer la nécromancie et de contacter les défunts.
Prince(sse) des Ombres
Encore jamais mérité, ce titre d’héritier de la Reine des Ombres est présage de la victoire de la Nuit contre Dieu.