Le Silence de la Princesse
Adoptée unanimement par les habitants de Mirahd, l’église du Silence de la Princesse en est une aux intentions des plus pures. Celle-ci est dite posséder l’admiration générale des autres cultures. Tout aussi idyllique que bienfaisante, l’église de la Princesse prône majoritairement des idées de compassion, de pacifisme, de générosité et d’extrême empathie. Rarement les gens sont-ils effrayés à l’idée d’éprouver de la sympathie pour leur prochain, et donc, le Silence est célébré par sa différence, au même titre que la mythologie valgaardienne.
Le clergé fut fondé en l’an 703, après la découverte du Nouveau-Continent et l’avènement de la première famille royale. Depuis son établissement, la religion prend toujours une place importante dans le cœur de chaque mirahdain, et ce, même malgré les instances où l’on tenta de l’étouffer. La Princesse demeure l’idole religieuse du sud en tant que guide silencieuse au travers des intempéries. Un certain niveau de sainteté est conséquemment attribué à la femme dans la culture mirahdaine, alors que seule une femme peut obtenir le titre de Princesse.
Au nom des miséreux
Sans voix, le rôle de la Princesse est de faire écho à toutes les voix des gens vivant dans l’oppression, dans la crasse, dans la pauvreté et la maladie. Le silence est autant symbolique que sacré, alors que dans le silence, la Princesse atteint une pureté spirituelle pratiquement divine.
Les dogmes de la religion ne sont pas écrits par les membres du clergé. Ceux-ci laissent les croyants s’inspirer de la Princesse, de son aura de compassion, afin de trouver en eux la lumière et la liberté de leurs vices. Parallèlement, aucun péché n’est défini par la religion non plus. Or, un vieil adage populaire peut être utilisé afin de définir une ligne de morale, néanmoins vague: «La Princesse verse une larme pour chaque âme à qui mal est injustement rendu». Le plus grand de leurs principes tourne cependant autour du concept de la paix, tant intérieure qu’avec autrui. La générosité et l’empathie sont comprises dans cette paix universelle et font également parties de vertus importantes chez les mirahdains. De telles idéologies font en sorte que le clergé prend la charge de nombreuses œuvres de charité qui offrent eau, pain, vêtements et logis aux gens pauvres des Ruelles.
Le vœu de silence
Le cœur des croyances de l’église de la Princesse consiste en l’idée du sacrifice pour le plus grand bien commun. Non pas un sacrifice de sa vie ou de celle d’un autre être, mais le sacrifice de liberté d’expression, de parole, afin de pouvoir enfin comprendre les voix étouffées des démunis. Le vœu de silence tenu par la Princesse est une chose des plus symboliques; par les principes de celui-ci, la Princesse ne peut prononcer ni véhémence, ni méchanceté et ni mensonge. Par conséquent, celle-ci incarne l’ultime emblème de paix et d’honnêteté chez les Mirahdains et contribuent par son simple silence à ce que tous se le remémorent.
Le Premier Miracle
Durant l’époque des premières colonies du Nouveau- Continent, le territoire était ravagé par les créatures et l’anarchie en l’absence de gouvernement, ce qui mena à une importante guerre civile. C’est le couronnement de la famille ab del Hassam qui entraîna finalement un courant de stabilité parmi les peuplements existants, et l’expansion du royaume fut donc rendue possible par l’entremise de lois particulièrement sévères. Le roi Karim ab del Hassam était cruel et paranoïaque; il fit de la torture un spectacle publique ainsi qu’un message contre tous ceux désirant s’élever contre lui, interdit l’éducation et l’érudition, fit incendier les bibliothèques et enchaîna son propre peuple, forcés à l’esclavage. Ces mesures entraînèrent une véritable croisade contre la liberté de pensée, les citoyens devant obéir par-dessus tout au souverain sous peine d’un sort pire que la mort. La fille du roi, Sheherazade, fut ravagée par le sort que subissait le peuple sur lequel elle était sensée veiller, et donc, dans le plus grand des secrets, fit vœu éternel de silence, avant de se mettre à pleurer.
Elle ne brisa jamais son vœu, et entama un pèlerinage au travers de la Mer de sable à l’apogée duquel elle marcha dans tous les villages et peuplements. Tous furent témoin de son profond chagrin et retrouvèrent leur foi en elle, et le roi Karim abdiqua sous la menace du courroux de sa population. De nos jours, peu de gens sont convaincus de la véridicité de beaucoup de détails concernant la rébellion muette de Sheherazade, mais le mythe continue d’inspirer les Mirahdains à traiter même le plus maigre des mendiants avec le plus grand des respects.
Les Princesses depuis
Pendant longtemps, la religion entre et ressort de la culture populaire et les enseignements de la Princesse ont peine à être pratiqués. Or, les choses changèrent en l’an 940, lors du règne de la famille al Ansari, alors que les peuplements de Mirahd furent frappés par la Peste de Shurna.
À l’origine, Shurna était un petit village situé sur le versant sud-ouest du Guilne, à quelques lieues de Caragh Duidhe. Le hameau fut complètement anéanti par la maladie, ses habitants décimés et son histoire effacée. La maladie prit donc le nom de l’endroit, en mémoire de ces funestes événements. Aujourd’hui éteinte, ses symptômes auraient été intensément éprouvants, rendant presque inutilisable la plupart des membres et extrémités du corps sous le simple effet de la souffrance: «[...] d’atroces pustules douloureuses se forment sur la peau du malade, ses organes internes se couvrent de tumeurs et le sang coule à flots de tous ses orifices.» (Ayaan Yousef Asaref, Épidémies du Monde, p. 411).
La légende raconte que la Princesse, Raima, aurait utilisé ses dons purificateurs afin de bénir l’entièreté du Guilne, duquel les malades auraient pu s’abreuver et être libérés de leur infection. Le Miracle de Raima aurait suffit à redonner foi au cœur des Mirahdains, qui se souviennent encore aujourd’hui de l’exploit et y tiennent particulièrement en tant que pièce importante de leur héritage religieux.
Sans Princesse et Sans Miracle
Depuis maintenant trois décennies, l’église du Silence de la Princesse vit dans le mutisme d’une foi en deuil. Il y a un peu plus de trente ans, la Princesse Evara décéda dans son sommeil, emportée par les maux de l’âge. La Chapelle des Larmes gît vide et abandonnée depuis. Des derniers héritiers de la famille sultane al Ghali ne naissent plus de filles depuis Evara elle-même, et donc aucune Princesse ne s’est révélée dans un nouveau Miracle.
La foi des mirahdains persiste malgré la situation, qui n’a jamais duré si longtemps dans toutes les ères du sultanat. C’est nourris par l’espoir que la plupart sont tournés vers le Sultan et ses nombreuses concubines, leur souhaitant un Miracle propre à eux : une petite fille née du sang al Ghali, Princesse par défaut, une bénédiction dès sa naissance.
Malgré cela, plusieurs autres mirahdains commencent à croire qu’il s’agit peut-être d’un signe divin, annonçant la fin du règne de la famille sultane. Déjà les autres grandes familles poussent leurs héritières à tendre la main aux démunis, à rendre service aux malades et aux mourants, et à réconforter les âmes en peine, dans l’espoir qu’un nouveau Miracle se manifeste en elles.
Prière
Dans la quiétude et le silence, j’offre ma voix en échange de la vôtre, ashaar esserb æn, vénérée Princesse, je vous en implore, accordez-moi…OU
Sans Princesse et Sans Miracle, je prête ma voix dans l’espoir d’un nouveau lendemain, guidé à nouveau, ashaar esserb aen, ô Silence Miraculeux, je t’en implore, accorde-moi…
Le Temple du Silence
Au centre du Dème qui lui est consacré se dresse l’imposant Temple du Silence, dédié à la première des Princesses et à toutes les Princesses après elle. Le Temple sert de lieu de prière principal à la religion autant que lieu de pèlerinage, alors que les Mirahdains traversent la Mer de sable en entier pour assister à ses messes. Le massif bâtiment orné d’imposants vitraux est le lieu de baptême de la Princesse autant que le lieu de ses funérailles, et chaque Princesse y passera l’une après l’autre, avant d’être emmenée pour son repos éternel au plus profond sous-sol des Catacombes.
L’Oraculum
L’Oraculum est le nom donné au seul texte religieux de l’église du Silence. Il s’agit, contrairement aux multiples mythes de Valgaard ou aux larges tomes de la Foi des Piliers, d’un seul interminable parchemin. Ses écrits ressemblent plutôt à un recueil d’évènements historiques à connotations religieuses qu’à un tome de doctrines. Depuis le Premier Silence, les Oracles ont la tâche de poursuivre les écritures de l’Oraculum, qui porte le nom de ses auteurs. Les Oracles qui se succèdent y inscrivent certaines lois cruciales de la religion ainsi que les détails du règne de la Princesse qu’ils accompagnent. Plusieurs des doctrines inscrites sur le long parchemin sont questionnées par les Oracles subséquents, ce qui a apporté son lot de désaccords au sein du clergé.
Le Lien du Silence
Dans l’absence d’une Princesse et donc d’un symbole choisi par elle pour se représenter, les plus fervents des fidèles du Silence non plus n’ont rien à broder, graver, peindre ou dessiner sur leurs biens pour s’identifier à leur foi.
Dans cette disette symbologique, certains ont commencé à représenter physiquement le concept qui les unit tous, le vœu de silence des Princesses. Le port d’un couvre-visage est de plus en plus populaire, cachant toujours la bouche et parfois le nez, tantôt humble et sans apparats, et tantôt une opulente représentation de la foi de l’individu.
Titres
Servant
Les Servants désignent tous ceux qui suivent les méthodes de pensée de la religion du Silence. À Mirahd, l’importante majorité des gens sont des Servants du Silence, s’il ne s’agirait pas en fait de l’entièreté de la population. Ceux-ci sont tenus d’observer et d’apprendre, d’assimiler les enseignements de la religion d’une manière intime et profonde, afin qu’ils puissent eux aussi entendre la Voix de la Princesse.
Iudex
Nommés en l’honneur de la constellation du Jugement, les Iudex sont chargés d’alléger la tâche des Caliphes dans leur gestion de la religion. Ils dirigent les cérémonies religieuses plus cruciales au sein des grandes villes et possèdent un rôle primordial dans la propagation des croyances du Silence. Ceux-ci sont également utilisés par Al Hasarem afin de régir leurs cours de justice.
Les Iudex jouissent d’un respect équivalent à celui que l’on réserverait à un Évêque de Dieu.
Caliphe
Les Caliphes sont au nombre de six; quatre des Caliphes résident à la capitale auprès de la Princesse, alors que le cinquième dirige l’académie de Kamirah et le dernier la ville de Qahizan. Il s’agit du plus haut titre de la religion, nonobstant celui de la Princesse, qui possède le titre de cheffe spirituelle officielle. Les Caliphes peuvent prendre de nombreuses décisions indépendamment de la famille royale en plus de leurs devoirs de dirigeants des villes et cités.